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Khalil Adil - "Musulman en 2022" (Extrait d'Itinéraire d'un affranchi, à paraitre le 26/08)

  • sytounmcef
  • 16 août 2022
  • 18 min de lecture

« Il invite à l’Islam, mais de quel Islam il parle, lui ? Sunnisme ? Chiisme ? Islam « des lumières » ou du Moyen-Âge ? » se demanderont certains, parmi les non-musulmans.

« J’avoue, il est de quelle tendance, c’est quoi son minhaj à lui ? Il est Salafi ? Wahhabite ? Ikhwani ? Ash’ari ? Takfiri ? » se demanderont certains, parmi les musulmans.

« As salam alaykoum mon frère, quand je suis entré en Islam franchement j’ai vu les musulmans, ça m’a choqué, le comportement de beaucoup, c’est n’importe quoi ! Et puis il y a plein de divergences, je comprends plus, il faut écouter qui ? Les imams, je peux leur faire confiance ou pas ? Est-ce qu’il faut se dire « salafi » ou pas ? Je suis perdu, aide-moi mon frère ! »

Comment leur en vouloir étant donné que trouver le bon chemin, aujourd’hui, est beaucoup moins évident que du temps de la Révélation.

Aujourd’hui, on vit une époque où l’Islam est minoritaire (malgré le grand nombre de musulmans), sa pratique marginalisée, où beaucoup de prédicateurs tous ou soi-disant tous musulmans appellent à des pratiques différentes voire opposées, où beaucoup de groupes différents se mettent en garde les uns contre les autres, chacun citant des versets, des ahadith, des paroles de salafs et de savants en guise de preuves…

Quand j’ai commencé à pratiquer, je suis arrivé dans cet océan de divergences, de courants contradictoires, de littéralistes qui mettent en garde avec virulence contre les réformistes, de réformistes qui se moquent avec condescendance des littéralistes, de frères qui m’ont expliqué qu’il faut suivre les Compagnons (sur ce point, quasiment tout le monde est d’accord, al hamdullilah, mis à part quelques personnes et groupes vraiment à côté de la plaque mais même chez ceux qui prônaient le suivi des salafs, comme chacun les suivait d’une manière différente, ça provoquait plus d’embrouille que de clarté dans mon esprit)…

Autant vous dire qu’à cette étape là de mon cheminement, je n’évoluais plus. J’étais dans mon ignorance, à chercher continuellement si laisser mon pantalon comme ci, prier avec les mains comme ça, faire tel ou tel geste après la salât était sunna ou bid3a, écouter tel cheikh ou tel imam était bien ou mal…

Sinon, je ne priais pas la nuit.

Je ne faisais pas de jeûne surérogatoire.

Je ne prenais pas le temps de méditer sur la création d’Allah.

Je ne prenais pas le temps de méditer le Coran, que je lisais de temps en temps sans vraiment chercher à comprendre ce qu’Allah voulait me dire.

Ni d’apprendre la vie du Prophète ﷺ et de ses Compagnons en dehors des dourous que j’écoutais ici et là.

Je faisais juste le minimum, avec ou sans concentration selon les moments.

Par contre, je serais devenu millionnaire si j’avais touché un euro pour toutes les heures que je passais sur internet à lire des fatwas et écouter des mises en garde sur tel ou tel imam, par peur de tomber dans le kufr ou l’égarement…

C’était finalement plus toxique que profitable pour mon cœur.

Les mauvais sentiments de méfiance et de haine que j’avais développé à cause du vécu et s’étaient peu à peu dissipés aux premiers instants de ma reconversion sont revenus me le noircir. À cause de la division de la communauté d’une part mais comme à leur habitude, les traitres ont eu leur rôle à jouer. Les frères qui font de fausses promesses, ne tiennent pas leurs engagements, passent leur temps à manger la chair des absents… à la longue, ça détruit la fraternité. J’ai senti que même dans la meilleure des communautés, je ne pouvais me fier à personne et ça m’a fait mal. Très mal.

Malgré tout, je tenais bon car al hamdullilah, je savais que même si les gens sont mauvais, Allah est clément et miséricordieux. Et que cette vie n’est qu’une épreuve, donc quitte à subir souffrance, solitude et épreuves 60 à 70 ans, al hamdullilah si après la mort, je reçois la bonne nouvelle.

Donc j’apprenais le Tawhid, al hamdullilah, j’apprenais à réciter quelques sourates mais à force de subir ces déceptions de la part de plusieurs frères, d’entendre toutes les mises en garde, les incitations à la méfiance sans que je ne sois vraiment en mesure d’en comprendre le pourquoi au vu de mon trop faible niveau de connaissances, j’ai commencé à nourrir une certaine dureté et fermeture à l’encontre de toutes les nouvelles personnes que je rencontrais, surtout lorsqu’ils étaient musulmans.


Et puis, au bout d’un moment, j’en ai eu assez d’être là, à stagner et me laisser aller dans des renfrognements que j’espérais avoir laissé derrière moi et j’ai décidé de me détacher de tous ces groupes et de tous ces a priori pour mener mon enquête en remontant à la source, en lisant sur la vie du Prophète ﷺ, de ses Compagnons, sur l’Histoire du monde musulman…

Au fur et à mesure, j’ai compris qu’en fait, l’essentiel du message de notre Créateur est simple et accessible à tous. En soi, l’essentiel du din d’Allah est facilement compréhensible et applicable pour celui qui cherche sincèrement à comprendre ce que son Créateur attend de Lui.

Par contre, quand on arrive avec de la mauvaise volonté, un cœur de polémiste qui ne cherche que les complications et les ambiguïtés, forcément, on va beaucoup se compliquer la vie. D’où l’importance d’avoir conscience que la guidée est un cadeau d’Allah, et de faire un effort sur soi.

Parce que si comprendre l’essentiel de notre din en théorie est assez facile, passer à la pratique et se maintenir avec constance sur la voie prophétique jusqu’à la mort, qui plus est dans une époque remplie de tentations, là, c’est plus dur. Mais une des clés qui permet de faciliter cette mise en pratique et cette constance, c’est la sincérité envers Allah, la certitude en Sa promesse et un cœur relié à Lui.


Honnêtement, avec du recul, si je devais conseiller un frère ou une sœur débutant son cheminement ou un musulman un peu perdu qui se pose des questions, je ne pense pas pouvoir donner de meilleur conseil que celui d’être sincère avec Allah azawajal[1] avant toute chose.

Lui demander la guidée, la clairvoyance, la science utile, une bonne compréhension et une bonne mise en pratique de Sa religion, de nous guider vers de bonnes personnes… parce qu’avant de songer aux causes, le meilleur est de s’adresser directement au Créateur des causes, de s’en remettre à Lui avant tout.

On l’oublie souvent (et d’ailleurs, cet oubli se traduit souvent par une posture très hautaine chez certains) mais la guidée ne vient jamais de nous-mêmes. Après tout, combien de philosophes et de grands scientifiques ont, par leurs observations, compris la nécessité de l’existence divine sans pour autant aller plus loin en cherchant à connaitre Sa volonté, puis en se soumettant à Ses directives ? Preuve que notre intelligence n’est pas garante d’une bonne compréhension de la vie. Cette guidée est un cadeau qu’Allah donne à qui Il veut – et peut aussi reprendre à celui qui n’en est pas digne.

Et pour recevoir ce cadeau, Allah nous donne la marche à suivre : se tourner vers Lui en suivant le modèle prophétique avec sincérité, humilité, reconnaissance, persévérance, sans arrogance, en refoulant les sentiments d’autosatisfaction qui peuvent venir s’immiscer dans nos esprits, pas de filouterie – comme ceux qui jouent avec les règles pour justifier leurs passions ou déclarent se suffire du Coran sans la sounna et les savants. Comme l’a dit un frère : « il y a ceux qui cherchent la fatwa et ceux qui cherchent la taqwa ».


Ensuite, avant de se rentrer dans des questions complexes sur le halal et le haram, les groupes, les signes de la fin des temps ou ce genre de sujet populaire qui déchaine davantage les passions que la sagesse, malheureusement, j’exhorte sérieusement mes frères et sœurs à commencer par l’essentiel et acquérir les bases avant tout. Ne serait-ce que la lecture du Coran avec son exégèse (le tafsir d’Ibn Kathir, par exemple, est très bien pour commencer) ainsi que la lecture de la biographie prophétique.

S’il y a un livre (très connu mais que beaucoup n’ont malheureusement pas lu) qui m’a énormément aidé, personnellement, c’est la sira du Prophète Muhammad ﷺ. Celle que j’ai lu, c’est Le Nectar Cacheté qui se lit agréablement en raison de son style fluide. Mais cela dit, il y en a d’autres qui sont très bonnes mais je ne vais pas faire la liste ici.

Le fait est qu’en connaissant la vie du dernier Messager du Créateur de l’univers, beaucoup de portes s’ouvrent.

En lisant la sira, qui mentionne dans quel contexte de nombreux versets et passages du Coran ont été révélés, comment était la situation à son époque, comment le message a changé les gens, comment le Prophète ﷺ et ses Compagnons ont répondu aux islamophobes de leur époque, comment le Prophète ﷺ se comportait dans telle et telle situation, quand il était doux, quand il était tolérant, dans quelle mesure, quand au contraire il était intransigeant, sur quoi, quand il plaisantait, comment il plaisantait, quand il se fâchait, comment il se fâchait… avec cet éclairage, j’ai pu comprendre les finalités de ce que notre Créateur attend de nous. Al hamdullilah, car toutes les louanges appartiennent à Allah.

Avec l’éclairage de la sira, je comprenais davantage certains passages du Coran, que je ne pouvais pas saisir – ou que j’interprétais mal – auparavant. Comme par exemple la sourate Al Kafiroun, avec le célèbre verset {à vous votre religion, à moi ma religion}. Au début, beaucoup d’imams modernistes me l’ont présentée comme un appel à la tolérance vis à vis de la mécréance en citant pour preuve le dernier verset. Mais lorsque j’ai appris le contexte dans lequel elle fut révélée[2], j’ai compris que ces gens mentaient en utilisant les textes dans le sens qui les arrange.

Idem pour certains versets faisant allusion à des périodes de la vie du Prophète Muhammad ﷺ.

Et puis, il y a le tafsir quand on a du mal à comprendre un verset. Avec le tafsir, j’ai – par exemple, et entre autres – pu comprendre que lorsqu’Allah nous dit {ne vous jetez pas par vos propres mains dans la destruction} (sourate 2, verset 195), c’est beaucoup plus large que l’interdiction du suicide, de la drogue ou de la cigarette comme ce que certaines publications sur des comptes de rappel sur les réseaux peuvent laisser penser. Dans le tafsir d’Ibn Kathir, on a accès aux différentes interprétations de {ne vous jetez pas par vos propres mains dans la destruction} de la part des Compagnons et de leurs successeurs, qui ont vécu à l’époque de cette révélation. Et l’interprétation qui revient souvent, est qu’il faut dépenser, investir, faire des efforts dans la voie d’Allah.

Il y a aussi les biographies des plus grands Compagnons, qui nous permettent de voir comment ils étaient vraiment, comment ils réfléchissaient, comment ils se comportaient dans telle ou telle situation… quand on veut les prendre pour modèles, le minimum est de s’intéresser à eux en étudiant leur vie, et non en se limitant à ce que le grand frère boulahya du quartier, la sœur enturbannée ou l’imam de YouTube tendance J, K ou L nous rapporte d’eux en y ajoutant leurs conclusions personnelles.

Déjà, lire ces textes de références avec méditation nous permettent de comprendre l’essentiel et les finalités du Message de l’Islam.

Pour ma part, en tout cas, ces seules références m’ont suffi pour comprendre que ma vision moderne du monde n’était pas la bonne, que j’avais tout un référentiel à changer avant d’aller plus loin. Sinon, j’allais bâtir sur de mauvaises bases et dès le début, une construction bâtie sur de mauvaises fondations est vouée à l’effondrement, tôt ou tard.

Aussi, la connaissance de ces bases m’ont permis de réaliser l’imposture de certains prédicateurs à la da’wa modernisto-compatible, ainsi que celle de leurs frères ennemis les exagérateurs sectaires, les laquais du pouvoir, les nationalistes qui font passer leur culture, leur origine, leurs traditions, leur drapeau ou leur chef d’Etat avant les injonctions d’Allah et Son Messager ﷺ, etc.

Et plus je rencontrais d’autres musulmans un peu perdus comme moi à leur début, avec qui nous échangions sur nos parcours, plus j’ai acquis et renforcé la certitude que cette connaissance de nos sources de base au préalable est un bon rempart pour éviter les manipulations des groupes et des prédicateurs malhonnêtes qui tordent la religion pour la faire coller avec leurs objectifs mondains.

Après, bien sûr, ça ne fait pas tout.

Bien simplet et bien prétentieux est celui qui prétend être devenu un savant à ce niveau. Mais là, le but n’est pas d’être un érudit. Juste d’acquérir les bases pour ensuite aller plus loin avec les bonnes personnes, qu’il est désormais plus facile de reconnaitre.


Puis, lorsqu’on décide d’aller étudier, d’en apprendre plus sur notre din, d’entrer dans la profondeur, la meilleure chose à faire impérativement est de s’accrocher aux sources en suivant un madhab pour éviter d’être perdu et noyé dans les divergences et les pièges des avis minoritaires, isolés ou carrément récents et douteux qu’on trouve quasiment toujours chez ceux qui ne suivent pratiquement que des références contemporaines (avec tout le respect que j’ai pour les gens intègres parmi les savants et imams contemporains, n’oublions pas qu’eux aussi ont pris leur savoir de ceux qui les ont précédés).

C’est un point très important car l’avantage principal d’être accroché à l’une des quatre écoles – tout en respectant les autres et en s’adaptant aux différentes situations qu’on peut être amené à rencontrer qui impliquent de suivre un autre avis que celui ou ceux de notre madhab – c’est qu’en en suivant une, on suit une voie claire établie selon la méthodologie d’un grand savant des premières générations, unanimement reconnu par toutes les sommités de l’Islam, ce qui nous facilite grandement lorsqu’on veut comprendre et pratiquer notre din correctement.

La plupart des questions que des débutants se posent en 2022, voire même pour lesquelles certains partent dans des débats qui les dépassent, ont déjà été étudiées en long en large par les quatre grands imams Abu Hanifa, Malik, Shafi’i et Ahmed, leurs élèves et les savants qui ont suivi leur méthodologie. Pour ceux qui en doutent, la lecture des biographies de ces lumières de la communauté musulmane prouve qu’ils étaient de très loin plus attachés au suivi de la sounna que nous, et que c’est par leur cause – en grande partie – que nous avons accès aux ahadith authentiques et aux dalils[3] que certains veulent suivre à leur place.

Je dis cela parce que certains, quand on leur parle de suivre les quatre écoles, répondent fermement que « Nan, faut suivre le dalil parce que Malik lui-même a dit qu’on prend et qu’on rejette de tout le monde à part de celui qui est enterré dans cette tombe en désignant celle du Prophète ﷺ ! Et Shafi’i lui-même a dit de jeter sa parole contre un mur si elle contredit le hadith authentique ! » … en oubliant de remettre ces paroles dans leur contexte. À qui Malik et Shafi’i ont-ils dit cela ? À leurs élèves qui étaient eux-mêmes de grands oulémas capables d’interpréter des textes ? Ou à des gens de la masse remplis de passions malsaines, étudiant chez Google, YouTube et WhatsApp qui se permettent de propager des paroles comme celles-ci hors contexte tout en étant incapable de lire l’arabe et donc d’avoir accès à de multiples dalils dont ils ne soupçonnent même pas l’existence, et dont – au passage – même les chouyoukh qu’ils suivent à la place d’une des quatre école n’auraient aucune connaissance sans le remarquable travail qu’ont fourni ces grands imams pour la préservation de la religion telle qu’elle fut révélée, eux qui faisaient partie des premières générations de musulmans.

Oui, il faut suivre le dalil mais en petits ignorants que nous sommes, avons-nous le niveau pour les comprendre par nous-mêmes ? Abou Hanifa, Malik, Shafi’i et Ahmed ne sont-ils pas plus légitimes pour ça ?! D’où l’importance, justement, de les suivre.

« Oui mais s’ils se trompent » diront les plus sceptiques, sans être capable de déceler une de leurs erreurs. Après, certains citeront le nom d’un cheikh qui, selon eux, a pu réfuter Abu Hanifa ou Malik sur telle ou telle question. Donc, selon lui, il faudrait suivre ce cheikh… sauf que son cheikh est-il infaillible ? Que faire si son cheikh se trompe ? Alors, ce genre de profil citera le nom d’un autre cheikh qui, toujours selon lui, n’a pas fait l’erreur du premier sur un sujet… jusqu’à ce qu’on lui rétorque que « oui, mais ton deuxième cheikh est-il infaillible ? Que faire si ton deuxième cheikh se trompe ? » et ça n’en finit plus…

« Oui, mais peut-être que le hadith ne lui est pas parvenu » s’entêtent certains… {De tous les êtres, l’homme est le plus grand disputeur !} (Sourate 18, verset 54). Ces frères et sœurs fi Llah sont-ils au courant que sans ces sommités contemporaines du Prophète ﷺet de ses Compagnons, eux-mêmes n’auraient aucune connaissance des ahadith qu’ils brandissent sur le net sans les accompagner des explications des savants qui (obligatoirement, si on veut agir avec sagesse au lieu d’embrouiller les masses) vont avec.

Sérieusement, si un hadith sur un sujet n’est pas parvenu ni à un des 4 imams ni à leurs élèves et leurs successeurs qui ont continué à transmettre et élargir les règles du madhab, faut-il pour autant refuser de le suivre pour cette seule raison ? Sincèrement ?

Tous les savants commettent des erreurs mais les ignorants en commettent encore plus ; et l’erreur du savant intègre qui recherchait la vérité est pardonnée par Allah.

Donc autant ne pas se compliquer la vie et suivre une des quatre écoles reconnues par le consensus de la communauté musulmane sans venir semer les graines toxique de la polémique. Parce que même si ces savants ont quelques erreurs, ne sont-elles pas infimes en comparaison au bien immense qu’ils ont apporté ? À savoir de permettre au musulman qui les suit d’avoir une compréhension et une pratique saine de sa religion sans être noyé dans les divergences et polémiques qui ont compliqué la vie à plus d’un, sans compter les tentatives malveillantes de certains de réinventer une nouvelle religion à la carte sous couvert de réforme, se posant tels des muftis en réclamant des débats sur des sujets ayant fait l’unanimité depuis plus de 14 siècles dans un contexte de tentative d’occidentalisation des masses musulmanes.

Les 4 écoles mettent une barrière en béton armé à ces malfaiteurs. De même qu’elles mettent une barrière aux exagérateurs qui, en sens inverse, interprètent les textes de manière à imposer une vision très dure, déconnectée de la réalité, trop sectaire, rejetant de nombreuses divergences autorisées… qui, il faut le dire, en a dégoûté plus d’un.

Je me suis un petit peu étalé mais j’insiste vraiment sur ce point parce que c’est réellement une clé salvatrice qui permet de voir un peu plus clair et d’avoir une pratique plus saine, du juste milieu. En étant sainement encadré, on peut ensuite suivre un avis sans crainte de tomber dans l’erreur. Puis on peut se consacrer à notre spiritualité, notre famille, notre vie de tous les jours…


Et bien sûr, à l’apprentissage de notre din en allant nous inscrire dans une madrasa ou un institut avec des professeurs qualifiés qui suivent eux-mêmes un madhab, transmettent la science religieuse selon les règles établies par nos vertueux anciens (qu’Allah leur fasse miséricorde) sans venir ajouter leurs propres interprétations sans fondements.

Ne surtout pas se lancer dans l’étude de la religion en autodidacte, tout seul, en lisant des livres, sans professeur pour nous encadrer. C’est un des meilleurs moyens de s’égarer. Il y a un imam qui a raconté l’histoire d’un homme qui a voulu s’improviser médecin en piochant des remèdes dans le livre d’un professionnel. Un jour, un malade est venu le consulter. L’homme a regardé dans son livre le remède adapté à ses symptômes et lui a prescrit du venin de vipère… car il y avait une erreur d’impression à cet endroit de son livre, où le médicament en question était en fait l’huile de nigelle. Le malade a donc suivi ce conseil, et vous devinez la suite. La conclusion de l’histoire, c’est l’âne du docteur autodidacte qui la donne : « c’est à moi de monter sur son dos vu qu’il est plus ignorant que moi. Moi, je sais que je suis un âne. Lui, il se prend pour un savant. »

La science islamique se transmet de cœur à cœur, de professeur à élève avec une chaine de transmission qui remonte jusqu’à la Révélation. C’est ainsi qu’on apprend correctement. Il n’y a pas de meilleur moyen de s’égarer que de se couper de l’héritage de nos savants et de notre patrimoine, que ce soit en adoptant l’attitude des plus orgueilleuses des adorateurs de leur raison biaisée sur le net qui consiste à tout rejeter en bloc, comme ça, sans méthodologie, ou en se limitant à suivre des savants ou des tendances récentes, sans remonter aux sources.


Ensuite, un autre élément très important est de fréquenter des frères et des sœurs dans cette dynamique là. L’entourage est C.A.P.I.T.A.L. Ne surtout pas rester seul ou aller apprendre sur internet, dans des groupes Facebook, WhatsApp et sur YouTube. Au contraire, rester avec des frères et des sœurs droits, de préférence avec qui on étudie, qu’on peut donc voir souvent pour se motiver dans l’accomplissement des bonnes actions et l’entraide dans le délaissement des vices.


Ensuite, acquérir des connaissances du monde dans lequel on vit, en filtrant les données avec un référentiel islamique.


Ne surtout pas se fanatiser pour un groupe, un savant ou un courant, quel qu’il soit. C’est comme ça qu’on tombe dans le sectarisme et ce n’est jamais bon. On peut très bien prendre le bien que propose chacun des groupes tout en ne les suivant pas aveuglément dans ce qui est douteux. Ceci quand on est bien enraciné avec des bases solides, évidemment. Avec ces bases, encore une fois, pas besoin d’une mise en garde pour comprendre des évidences comme le fait qu’on n’invoque pas de prétendu saint mort dans une tombe, qu’on ne se met pas à danser autour en chantant ou encore qu’il n’y a aucune obéissance à la créature dans la désobéissance au Créateur.

D’ailleurs, à propos de tous ces groupes, comment les appréhender sans aucun éclairage historique ?


Ah, l’Histoire ! Une science malheureusement négligée par beaucoup mais tellement utile à qui la connait !

Quand on débarque au 21ème siècle, au milieu de tous ces groupes et ces imams du vivre-ensemble prétendant suivre la Sounna, chacun citant des versets, des ahadith et des paroles de savant pour appuyer ses dires, comment dissocier le vrai du faux si on ne sait même pas d’où viennent ces différents groupes et ce qui en est à l’origine ?

Comment est apparu le mouvement Tabligh, par exemple ? Qui l’a fondé ? Dans quel but ? De quoi s’agit-il exactement ?

Quant aux Frères Musulmans, comment savoir qui ils sont vraiment si on ne sait ni dans quel contexte le cheikh Hassan Al Banna a fondé ce mouvement, ni quelle était sa pensée et ses objectifs et surtout comment cela a évolué après son décès et celui de ses contemporains ? Parce qu’honnêtement, comparer les Frères Musulmans d’Egypte sous Nasser et ceux qu’on a aujourd’hui en France à l’UOIF, ce n’est ni plus ni moins que prouver sa méconnaissance du sujet.

Quant aux « Wahhabites » et à la salafiyyah moderne, comment savoir dissocier le vrai du faux si on ne s’intéresse pas à l’Histoire depuis l’époque de la Révélation jusqu’à nos jours.

Qui connait l’Histoire du royaume d’Arabie Saoudite ?

Depuis quand la péninsule arabique porte-t-elle ce nom, déjà ? Qui sont les Saoud ?

Est-ce que la da’wa du cheikh Abdel Wahhab est la même que celle de tous ceux qui se revendiquent de lui aujourd’hui ? Déjà, en quoi consistait sa da’wa exactement ? Car entre tout ce qu’on peut lire et entendre sur lui de part et d’autre et la réalité, il y a souvent de la marge.

Comment a évolué le royaume saoudien après lui, au fil du temps ?

Qui sait ce qui s’est passé durant la période de la Sahwa ? Qui sait ce que c’est, déjà ?

Qui sait ce qui s’est passé ensuite juste avant, durant et après la première guerre du Golfe en Arabie Saoudite, avec les américains et le dirigeant irakien Saddam Hussein ?

Quel courant a émergé à ce moment avec, à sa tête, le cheikh Rabi Al Madkhali ? Comment cette mouvance s’est propagée par la suite dans le reste du monde ?

Qui étaient les autres oulémas saoudiens sur le devant de la scène à ce moment-là, et comment ont-ils pensé et agi à ce moment-là ? Parce qu’entre ce que certains veulent parfois faire dire à des savants comme Al Albani ou Ibn Baz, et ce qu’ils ont vraiment dit, considérable est l’écart.

Quant au soufisme, qu’est-ce que c’est, exactement ?

Juste un groupe d’illuminés qui font du dhikr à haute voix et dansent autour des mausolées ou est-ce (beaucoup) plus complexe que ça ?

Si on ne prend pas quelques heures pour lire et se renseigner de peur de tomber dans un égarement d’une part mais aussi de manger la chair de gens qui ne méritent pas certaines accusations calomnieuses d’autre part, on ne sera jamais à l’abri de tomber dans l’un ou l’autre de ces dangers. Ceci, bien sûr et j’insiste lourdement, après avoir ancré les bases solidement dans nos cœurs et nos esprits.

Idem pour les tentatives de manipulations historiques des islamophobes et de leurs meilleurs alliés dans nos rangs que sont ces pseudos coranistes. Sans un minimum de connaissances historiques sur notre patrimoine et sa transmission depuis tous ces siècles, on est davantage vulnérable à leurs discours de semeurs de confusion.


Un autre outil très important est la langue arabe.

Avec le français, on peut apprendre les bases mais en restant dépendant des traducteurs et enseignants arabophones. Alors qu’avec la langue arabe, on peut aller lire les livres écrits par les grandes sommités parmi nos vertueux anciens dans leur langue d’origine, sans être induit en erreur par des traductions incomplètes ou parfois biaisées comme certaines qui circulent sur le net, volontairement découpées, mal traduites ou orientées par ceux qui les publient afin de faire dire à de grands savants, anciens comme contemporains, ce qu’ils n’ont pas dit afin de donner du poids à leurs délires sectaires. Vous voyez, ces postes Facebook ou Instagram où il est rapporté une parole de savant, ou même un hadith ou une parole de Compagnon en français, hors-contexte et sans les explications qui vont avec ? Un arabophone qui a accès à l’intégralité du discours dudit savant, de ses contemporains, ainsi qu’à véritable parole qu’il aurait prononcée sans qu’elle ne soit déformée par une quelconque traduction… est beaucoup moins facile à égarer qu’un francophone un peu naïf qui se contente de suivre son groupe sans chercher à approfondir ce qu’il a lu.

Sans compter que la langue arabe permet même d’avoir accès à des livres de notre patrimoine dont la traduction n’existe pas (encore ?) en langue française. Elle permet d’aller beaucoup plus loin pour qui veut apprendre la science religieuse sérieusement. Sincèrement, c’est un outil qui ouvre de grandes portes alors pourquoi s’en priver ?


Tout cela étant dit, si je me permets, malgré mon faible niveau, de prendre la parole pour donner ces conseils, c’est parce qu’étant moi-même passé par là, dans l’errance, ne sachant plus qui suivre ni comment comprendre le din sans m’égarer, et ayant vu beaucoup de frères et de sœurs débuter comme moi pour finalement s’en sortir et commencer à y voir clair en adoptant cette méthodologie, je me permets de la partager ici en espérant que ce sera utile.

Et bien évidemment, Allah u alam.



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[1] Formule de glorification qu’on pourrait traduire par « exalté soit-Il ».

[2]Un groupe de notables polythéistes de la tribu de Quraych (le peuple du Prophète Muhammad ﷺ) vinrent proposer au Messager d’Allah ﷺ d’adorer leurs idoles une année, en échange de quoi l’année suivante, ce sera leur tour d’adorer Allah seul. Ce à quoi Allah a répondu en révélant cette sourate qui commence par {Dis : « Ô vous, les infidèles ! »} pour ensuite leur dire {Je n’adore pas ce que vous adorez}, marquant un refus clair à ce compromis. [3] Preuve textuelle.

 
 
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