KHALIL ADIL - "KALAM" (chapitre extrait du livre sur la da'wa)
- sytounmcef
- 9 nov. 2024
- 11 min de lecture
Beaucoup de musulmans ont reçu l’Islam comme un héritage familial.
Certes, ils ont cru au Message et ont un minimum de pratique dans leur vie, qu’ils transmettent à leur tour à leurs enfants. Mais il est rare de voir chez eux une volonté ferme de propager cette vision du monde. Souvent, ce souci est limité à la du’a “Allah y dina” qui sort la plupart du temps machinalement. Allah u alam s’ils la font en soujoud avec l’intention qu’Allah fasse descendre la guidée sur tous les gens qu’ils croisent au quotidien.
Même chez un certain nombre de convertis, le simple fait d’apprendre et pratiquer son din est suffisant. Ils remercient Allah azawajal pour la guidée mais n’ont pas spécialement l’envie de devenir, à leur tour, des causes pour celle des autres.
Je ne généralise évidemment pas. Je partage simplement le constat que j’ai fait pour avoir côtoyé pendant près d’une décennie la communauté musulmane de France, mais aussi nos frères et sœurs vivant dans nos pays d’origine.
Pourtant, lorsqu’on lit la sira du Prophète Muhammad ﷺ - qui doit être une lecture de référence pour chaque croyant et chaque croyante - on voit que, dès le moment où il a reçu la Révélation à l’âge de 40 ans, jusqu’à la fin de sa vie 23 années plus tard, il n’a eu de cesse d’agir, d’endurer, de sacrifier, de patienter, de redoubler d’efforts... pour transmettre à tout le monde la parole de La Illaha Il Allah : “Ô gens ! Attestez qu’il n’y a aucune divinité digne d’adoration en dehors d’Allah, l’Unique, sans pareil ni égal ni associé et vous réussirez !”...
Dès mes premiers pas dans l’Islam, j’ai compris que le Prophète Muhammad ﷺ était un exemple à suivre pour qui veut la réussite dans cette vie et dans l’autre.
Tous les musulmans (je ne compte pas les imbéciles ni les déviants) s’accordent à dire qu’il faut suivre la sounna de l’Envoyé d’Allah ﷺ.
En revanche, beaucoup divergeaient sur la manière de la suivre. Entre ceux qui la réduisent à l’apparence, ceux qui la réduisent au bon comportement pour en fait adopter une posture de sécularisés toujours prêts à montrer patte blanche aux inquisiteurs modernistes, ceux qui la réduisent au fait de ne suivre qu’une poignée de savants contemporains et à un ou deux ahadith sur lesquels ils bâtissent toute leur religiosité... j’en ai vu très peu insister sur l’importance de sa pensée, de sa mission prophétique, de son souci de guidée pour l’humanité entière !
Et pourtant, en lisant sa biographie, c’est ce qui saute aux yeux : toute la vie de notre Bien-Aimé Muhammad ﷺ en tant que prophète et messager se résume à la da’wa.
À son peuple, Quraych, pour commencer.
Puis aux autres tribus Arabes et aux bédouins de la péninsule arabique.
Puis aux chefs d’Etat de son époque...
Ensuite, après sa mort, ses Compagnons - qui ont compris la religion mieux que tout le monde - ont persévéré dans cet effort de transmission du Message de l’Islam, qui s’est exporté, par leur cause, en Egypte, au Cham (Palestine, Syrie actuelle...), en Turquie, au Maghreb, en Inde, en Andalousie, en Afrique subsaharienne, jusqu’en Chine, au sud de la France... jusqu’à ce qu’aujourd’hui, dans chaque continent, on trouve des gens qui attestent qu’il n’y a de divinité digne d’adoration qu’Allah, et que Muhammad ﷺ est Son Messager.
Disons-le clairement : sans cet effort béni qu’est la da’wa, tout cela n’aurait pas été possible.
Sans cet effort béni qu’est la da’wa, comment aurions-nous pu être musulmans, nous qui sommes venu sur Terre plus d’un millénaire après la mort du dernier des Prophètes ?
Si les Sahabas n’avaient pas pris conscience de la responsabilité qu’ils avaient de transmettre cette Révélation au monde, et que les générations qui leur ont succédé n’en avaient pas également pris conscience, comment le din aurait-il pu nous parvenir, toujours préservé, à l’inverse des précédentes révélations (Torah et Evangile, entre autres) dont il est impossible de retrouver aujourd’hui les versions originelles et dont l’identité des transmetteurs ne nous est même pas connue avec certitude ? Qui sait qui sont les auteurs des quatre évangiles canoniques, par exemple ? Qui est capable de nous résumer leurs biographies avec des sources sérieuses ?
En revanche, nous, musulmans, connaissons tous ceux qui nous ont transmis la Révélation, des chaines ininterrompues de transmissions entre personnes connues par leurs pairs et trop nombreuses pour croire en une théorie du complot nous relient jusqu’à eux malgré les siècles qui nous séparent. Fin de cette parenthèse.
Vous l’aurez compris, sans cet effort béni qu’est la da’wa, ce n’est plus qu’une histoire de temps avant que l’Islam ne se perde à travers les générations, que le faux se mélange au vrai jusqu’à ce que notre religion finisse par devenir comme celle des gens du Livre.
En d’autres termes, si on supprime la da’wa, petit à petit, c’est l’Islam qui va disparaitre.
D’ailleurs, pour - très rapidement - aborder le sujet de la jurisprudence islamique (en arabe, al fiqh), je tiens juste à rappeler que, pour la majorité des oulémas sunnites, la da’wa est une obligation communautaire.
C’est à dire, pour ceux et celles qui ne savent pas ce que cela signifie, qu’il s’agit d’un devoir dont doit s’acquitter au moins une partie de la communauté musulmane, autrement le péché retombe sur chaque membre de la oumma.
Mais il existe aussi un avis minoritaire stipulant que la da’wa est une obligation individuelle. C’est à dire que chaque musulman doit transmettre ce qu’il sait du din d’Allah, autrement il est dans le péché. C’est un avis qui existe, même s’il n’est pas celui de la majorité.
À noter que ça, c’est la règle générale.
Maintenant, dans le cas d’un pays comme la France, qui est un pays non-musulman, il y a une autre question qui se pose et sur laquelle les oulémas sunnites ont statué : le musulman a-t-il le droit de vivre en dar al kufr ? Si on met de côté toutes ces fatawas contemporaines pour revenir - par sécurité, car celui qui ne fait que chercher les avis qui l’arrange joue sa place au Paradis - à ce qu’ont dit les anciens savants des quatre écoles sur ce sujet, on voit que la seule et unique raison qui autorise le musulman à résider (on ne parle pas d’y voyager temporairement le temps de faire un commerce ou une étude, par exemple, mais bien de s’installer) en dar al kufr, c’est pour y transmettre le Message de l’Islam. Donc faire da’wa. Autrement, il est dans le péché et doit obligatoirement quitter la France. Que ça lui plaise ou non. En Islam, on doit faire des sacrifices sur notre nafs pour l’intérêt de notre din, et non le contraire.
Alors bien sûr, on va toujours trouver des contemporains et des imams Youtubeurs qui disent autre chose aujourd’hui. Mais bon, si le fiqh ne suffit pas, il y a aussi la réalité du terrain qui est là pour nous montrer que le fait de vivre en minorité au milieu des modernistes sans une foi ferme bien enracinée dans nos cœurs accompagnée d’une volonté tout aussi forte de la transmettre pousse une bonne partie d’entre nous à subir leur influence et les imiter. C’est ainsi qu’on voit de nombreux musulmans et de nombreuses musulmanes penser, consommer et vivre comme des athées pendant que d’autres vont carrément jusqu’à renier la foi. Comme quoi, la réalité du terrain joue en faveur de l’avis des anciens oulémas sunnites, définitivement plus pieux et intelligents que nous, n’en déplaise à nos gros nafs.
Aujourd’hui, il est évident que la communauté musulmane se porte très mal.
En Palestine, nos frères et sœurs sont victimes d’un génocide, quoi qu’en disent les diables humains, politiciens, médias et organisations mafieuses censées veiller à ce que de tels crimes contre l’humanité ne se reproduisent plus.
Au Turkistan Oriental, nos frères et sœurs Ouïghours se font littéralement enfermer dans des camps de concentration par des athégristes qui n’ont rien à envier aux nazis.
En Birmanie, la situation de nos frères et sœurs Rohingyas n’est guère plus enviable.
Idem pour celle de nos frères et sœurs au Yémen, en Syrie, en Irak, au Somalie, au Soudan, en Lybie, au Liban... et dans bien d’autres régions du monde.
En Occident, certes, nous n’en sommes pas encore là. Mais beaucoup sont sécularisés, la oumma est divisée, l’Islam n’est réduit qu’à une culture folklorique mélangée à du syncrétisme au nom d’une pseudo-spiritualité New-Age complètement dévoyée, certains enfants de musulmans pensent comme des modernistes, rejettent carrément la religion et, en quelques générations seulement, produisent des islamophobes qui vont attaquer la foi de leurs ancêtres dans les médias ou en politique... quand d’autres se comportent comme des racailles matrixées au rap et aux séries Netflix tout en saupoudrant leur comportement de macaques d’un vernis islamique en jurant “Wallah”, “par Allah, frère !”, “La Mecque et le Coran”, “Haqq Rabi”... qu’ils vont vous “*** vos mères les ***”. Ce sont les enfants de qui, ceux-là ? Si on remonte leur arbre généalogique sur 3 ou 4 générations, qui trouve-t-on ? Je pense que nous connaissons tous la réponse à cette embarrassante question.
Le fait est que nous en sommes là parce que nous avons délaissé notre din.
Et si nous avons délaissé notre din, c’est parce que nous avons délaissé l’effort qui constitue la source de la revivification de notre din.
Alors certes, le constat est amer. Mais la situation n’est pas désespérée. Notre Prophète ﷺ nous a dit dans le sens d’un hadith qu’il faut annoncer la bonne nouvelle aux gens, et ne pas les faire fuir.
Malheureusement, aujourd’hui, il y a un discours nauséabond et exécrable qui s’est répandu :
“Vas-y, la oumma d’aujourd’hui, elle est éclatée, y’a plus rien à faire” (dixit quelqu’un qui n’a jamais rien fait pour faire avancer les choses).
“C’est la fin du monde ! Y’a plus qu’à attendre le Dajjal !”
...
Dans un hadith, un homme est venu voir le Messager d’Allah ﷺ pour lui demander ce qu’il fallait faire s’il était encore en vie au moment où l’ange Israfil soufflera dans la trompe mettant définitivement fin à l’existence de dounia. Ce à quoi le Prophète ﷺ a répondu, en substance, que s’il pouvait encore planter une graine à ce moment-là, qu’il le fasse.
Autrement dit, les ahadith qui nous parlent du Dajjal, de Gog et Magog, des signes de la fin des temps ou autre chose en lien avec l’eschatologie ne sont pas là ni pour nous faire élaborer des théories farfelues visant à produire des vidéos sensationnelles avec une musique effrayante et des bruits de tonnerre en fond, ni pour nous inciter à attendre les bras croisés la venue du Mahdi, mais à titre informatif, pour servir de signes aux générations qui viendront après la mort du Prophète ﷺ comme preuve de sa véracité et rappel du caractère éphémère de ce bas-monde. Wa Allah u alam.
En tout cas, ce que nous enseigne notre din, c’est d’agir.
De faire des efforts.
D’œuvrer pour propager l’Islam.
Bref. Tout ce discours qui encourage l’inaction, il va falloir le mettre de côté car il est semblable à un boulet attaché à nos pieds.
Si réellement nous voulons nous conformer à la sounna et aux enseignements du Messager d’Allah ﷺ, eh bien il faut agir pour améliorer notre situation.
Et cela passe nécessairement par le fait de faire da’wa.
Il n’y a pas d’autre solution.
Évidemment, cela va demander des efforts et des sacrifices sur nos propres personnes. Personne ne dit que ce sera facile.
À l’époque du Prophète ﷺ, notre modèle et ses Compagnons ont du faire face à des adversaires déterminés, capables de les torturer, de les tuer et de mener les plus fourbes stratagèmes afin de les éliminer.
Quant au peuple auquel a prêché le Messager d’Allah ﷺ, pour les gens qui regardent les défauts de nos contemporains, musulmans et non-musulmans, en se disant que “c’est inutile d’essayer de leur faire entendre raison, ils sont irrécupérables ! Ils ont trop de défauts, trop de vices qui sont trop profondément ancrés en eux, il n’y a plus rien à faire !” on rappelle quand même que les Arabes de l’époque étaient des primitifs qui adoraient des statues fabriquées de leurs propres mains (un peu comme aujourd’hui, les modernistes idolâtrent des concepts sortis tout droit de leurs têtes : liberté totale, égalité totale, doctrines philosophiques humaines, etc.), qui se livraient à la débauche, l’alcoolisme, la violence gratuite, enterraient leurs filles vivantes... remettre des gens comme ça dans le droit chemin, ce n’était pas une mince affaire.
Et pourtant, c’est ce peuple au départ tellement méprisable que les Romains et les Perses les avaient gratifiés du sobriquet de “chiens du désert” qui est devenu l’élite de l’humanité, a changé le cours de l’Histoire, conquis la moitié du monde connu à leur époque, renversé les deux plus grands empires (à titre de comparaison, les empires byzantins et perses de l’époque étaient l’équivalent de nos actuels Etats-Unis, Chine et Russie) et aujourd’hui, 14 siècles plus tard, leurs noms raisonnent encore sur nos lèvres dans les quatre coins du monde en terme élogieux. De barbares indignes d’être colonisés, ils sont devenus des modèles à suivre pour un à deux milliards de personnes dans le monde.
Quant à la cause de cette flagrante amélioration de leur situation, c’est de manière évidente cet effort béni de da’wa !
Alors, chers frères et chères sœurs fi Llah, je vous le demande : si nous revenons massivement, nous, musulmans un minimum conscients et éveillés, à cet effort béni de da’wa pour ramener nos frères et nos sœurs éloignés au din d’Allah, et que nous agissons pour propager la parole de La Illaha Il Allah au monde entier, et que tout cela est fait le plus sincèrement possible avec un travail de purification de nos nafs occidentalisés remplis de vices, en quoi est-il illusoire d’espérer une amélioration de notre situation ?
Et même si nous n’y arrivons pas ici-bas, la récompense nous attendra dans l’Au-Delà.
Dans le Coran, Allah azawajal nous parle du Prophète Nouh - paix sur lui - qui a appelé son peuple à revenir au Créateur durant 950 ans. Presque un millier d’années d’efforts pour qu’au final, seuls les membres de sa famille (à l’exception d’un de ses fils) selon certaines versions et 80 personnes selon d’autres avis ne le suivent.
Pour autant, Nouh - que la paix soit sur lui - est-il perdant ?
Au contraire, qui d’entre nous n’aimerait pas être à sa place au jour du Jugement ?
Sans compter que faire da’wa pour le bien est déjà une protection pour la personne qui agit ainsi. Cela car si quelqu’un appelle au bien, les gens du mal seront moins tentés de l’appeler.
Et même s’ils le faisaient, le fait d’être un prédicateur oblige le musulman et la musulmane qui prêche correctement à apprendre leur din et pratiquer ce qu’ils disent. Donc ils s’arment des arguments les plus puissants pour raffermir leur foi ainsi que de la force spirituelle nécessaire qui leur permet d’endurer face à l’adversité.
Dans tous les cas, il y a un grand bien pour le croyant à faire da’wa.
Pour lui-même, en premier lieu.
Et bien évidemment, en second lieu, il y a un énorme bienfait pour les autres s’ils consentent à l’écouter. Notre Prophète ﷺ a dit à Ali Ibn Abi Talib, dans le sens du hadith : “qu’Allah guide une seule personne par ton intermédiaire te sera meilleur que de posséder des chamelles rousses”.
Ajoutons à cela que le croyant est récompensé pour chacune de ses bonnes actions.
Or, quelle meilleure action que d’agir pour transmettre le Message du Créateur ?
Quoi qu’il arrive, c’est à Allah qu’incombe le résultat.
Nous, Il ne nous demande que de faire les causes... intelligemment (précision importante car il est faux de dire que tous les musulmans pratiquants de France sont inactifs. Beaucoup agissent, mais le problème est qu’ils le font mal. Je pense notamment à ceux qui espèrent que le salut des musulmans de France viendra d’un laïcard athégriste franc-maçon membre d’un système corrompu. Entre autres...)
Nos textes et l’Histoire nous enseignent que le salut ne viendra que de la même manière que celle qui a fait ses preuves à de moult reprises dans des contextes pourtant différents : le retour des gens vers Allah.
Et pour que cela arrive, il faut que les éveillés purifient leur nafs et agissent en faisant à leur tour cet effort béni qu’est la da’wa !

Extrait du prochain livre de Khalil Adil, "KALAM", ayant pour thème la da'wa, prévu pour début 2025...




