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KHALIL ADIL, ISMAHANE K - "SABOTAGE" (chapitre extrait du livre KALAM, disponible le 8 mai 2025)

  • sytounmcef
  • 7 mai
  • 19 min de lecture

Si la da’wa est délaissée par une grande partie de la communauté musulmane, il serait pour autant erroné de dire qu’elle l’est totalement. Dans les faits, il y a quand même un certain nombre de musulmans qui appellent les non-musulmans à l’Islam et / ou font le rappel à leurs coreligionnaires éloignés du din.

Malheureusement, beaucoup de ces frères et de ces sœurs dont je ne remets pas la niya en doute ont quelques défauts dans la manière de faire, ce qui peut avoir pour conséquence de totalement saboter leur effort.

Sans tarder, on va commencer par la pire erreur possible et imaginable dans laquelle peut tomber un musulman lorsqu’il invite les autres à son din : le concordisme, à savoir le fait de tordre le Message afin de le rendre davantage modernisto-compatible, dans le but de mieux le faire accepter par les occidentaux.

De manière générale, le schéma est le suivant : vous prenez un sujet sensible, très peu occidentalo-modernisto-acceptable (inégalité homme-femme, patriarcat, voile obligatoire, châtiments corporels, supériorité de l’Islam sur toutes les autres religions, Enfer éternel pour ceux qui mourront sur autre que l’Islam tout en ayant eu connaissance ou possibilité de s’intéresser au din d’Allah, âge du mariage d’Aïcha etc. Ça marche pour à peu près tous les sujets à propos desquels certains aiment faire des polémiques) et mettez en face de ce sujet un prédicateur pas très instruit, pas très courageux ou d’une gargantuesque maladresse, puis demandez-lui de faire accepter une religion qui contient toutes ces choses-là à des gens qui les trouvent choquantes. À chaque fois, l’intéressé ne va pas assumer mais préférer tenir le discours suivant : « oui mais non, ce n’est pas vraiment comme cela que ça marche, en fait, voyez-vous, l’Islam est une religion égalitaire et féministe parce que ceci, cela (il va citer certains textes en leur donnant un sens qui l’arrangent, évidemment, même si tous les exégètes les ont expliqué autrement) ». 

En apparence, ça peut avoir l’air de fonctionner au début. Mais le souci, c’est que les gens qui vont accepter le Message travesti de la sorte n’ont pas réellement adopté un référentiel basé sur la Révélation mais ont plutôt saupoudré leur modernisme d’un folklore islamique. Leur adhésion à l’Islam est donc très fragile. Et lorsqu’arrive le moment où ils se rendent compte qu’en fait, malgré ce que leur a dit le gentil et souriant imam de YouTube, l’Islam n’est pas une religion moderniste ni républicano-compatible, eh bien, les voilà qui décident de quitter le navire. Sauf, bien sûr, ceux qu’Allah a voulu guider à qui Il a permis de prendre conscience de la réalité et de préférer l’Islam au modernisme.

Donc, à tous les frères et toutes les sœurs qui ont l’habitude de faire dans le concordisme pour prêcher l’Islam, un conseil fraternel d’utilité publique : arrêtez immédiatement ce massacre !

L’Islam est tel qu’Allah azawajal l’a révélé au Prophète Muhammad ﷺ.

L’Islam ne nous appartient pas. Si on veut faire l’effort pour le transmettre aux gens, il faut d’abord l’accepter tel qu’il est, avec tout ce qui peut déranger l’ordre établi (exactement comme à l’époque du Prophète ﷺ où les polythéistes de Quraych étaient très contrariés de voir un homme renier leurs idoles, leurs croyances et certaines de leurs us et coutumes. Ce qui ne l’a pas empêché de rester ferme et de continuer sa mission de transmission).

Alors bien sûr, je ne dis pas qu’il faut être dans la confrontation (précision nécessaire car malheureusement, il arrive que, quand vous dénoncez un excès, des gens comprennent qu’il faut exagérer en sens inverse). Mais entre deux extrêmes, il y a le juste milieu : imaginons que vous ayez en face de vous une féministe. Vous n’allez pas –  j’espère –  commencer par lui rugir au visage tout ce qui va la faire fuir en lui parlant de l’obligation de se voiler, d’obéir à son mari, d’accepter trois co-épouses[1]... Mais ne commencez pas non plus à lui dire que l’Islam est une religion féministe en citant les textes qui vous arrangent, et passant sous silence ou pire, en niant ceux qui vous dérangent. Bien sûr, vous pouvez – et même devez – adopter une approche adaptée en lui informant que l’Islam a donné des droits aux femmes bien avant l’Occident, mais l’objectif doit être de l’aider à prendre conscience que les droits et les devoirs que notre Créateur a donné aux femmes (ainsi qu’aux hommes) sont bien plus en adéquation avec la nature profonde de l’être humain avec laquelle nous avons tous été créés que les droits et les devoirs prônés par l’idéologie moderniste à laquelle elle adhère.

En gros, il faut l’amener à réfléchir et à comprendre que sa vision du monde élaborée par des créatures ne va pas améliorer la condition des femmes au contraire de ce que le Créateur de tous les hommes et toutes les femmes a révélé. Et petit à petit, de cette manière-là, vous l’amenez à sortir de son référentiel moderniste au profit d’une vision islamique de la vie.

Idem pour l’exemple des mécréants et de l’Enfer. Le meilleur angle d’approche lorsque vous abordez ce sujet avec des non-musulmans, c’est de les inviter à méditer sur les bienfaits d’Allah sur nous, qui ne nous demande en retour que d’être reconnaissants. Or, tourner le dos à Sa religion démontre de l’ingratitude de notre part. Idem lorsqu’un homme remercie “la Vie”, “Mère-Nature”, sa bonne étoile ou je ne sais quelle autre invention incapable de faire quoi que ce soit au lieu de remercier Celui qui l’a créé, cet homme fait preuve d’ingratitude. Et s’il persiste dans ce refus de reconnaître Celui à qui il doit tout jusqu’à sa mort, malgré les signes et les révélations, refusant avec orgueil d’entendre ne serait-ce que le mot “Dieu”, il est normal qu’il doive en rendre des comptes et ne soit pas traité comme celui qui aura essayé d’être humble et reconnaissant envers son véritable bienfaiteur.

Et il en va de même pour tous les sujets. En résumé très succinct, la meilleure approche consiste à assumer notre din dans son intégralité tout en expliquant avec sagesse, pédagogie et maitrise du sujet dont on parle, en quoi les prescriptions de l’Islam sont meilleures que celles du modernisme.

À l’époque du Prophète ﷺ, c’est ainsi que cela se déroulait : les gens qui embrassaient l’Islam comprenaient bien qu’ils devaient revoir leur manière de penser et d’analyser le monde, et purifier leur cerveau et leur cœur du conditionnement social qu’ils avaient subi depuis l’enfance. Le Prophète ﷺ ne cherchait pas à rendre son Message compatible avec les fausses croyances de ses contemporains. Non. Il ﷺ aidait les gens à sortir d’un mode de pensée et de vie basé sur le polythéisme à une autre vision du monde et manière de vivre basée sur le monothéisme pur de l’Islam.

Le problème, aujourd’hui, c’est qu’on pense qu’on peut être musulmans sans rien changer de nos mauvais modes de pensée et de vie hérités de notre conditionnement social. C’est pour ça qu’on se retrouve avec des schizophrènes qui s’affilient à l’Islam tout en se comportant avec les codes de la rue, ou en raisonnant avec les normes des modernistes athées. Il y a un gros travail de désendoctrinement à faire, aussi bien chez les musulmans occidentalisés que chez les non-musulmans qui ont besoin de comprendre que cette vision moderne du monde avec laquelle on leur a lavé le cerveau depuis l’enfance peut très bien être remise en question (et même DOIT l’être au vu des calamités qu’elle produit, à en juger par l’état de cette société en pleine crise).

D’ailleurs, contrairement à ce que certains peuvent penser, cette approche décomplexée est porteuse de bien meilleurs fruits puisqu’elle permet d’attirer à l’Islam des gens qui ont déjà accepté les valeurs de notre foi. Même si ces nouveaux convertis ne sont pas une majorité, la qualité l’emporte sur la quantité. Parce qu’on le rappelle : la da’wa ne consiste pas à convertir les gens. Ce qu’il incombe au prédicateur, c’est de transmettre clairement le Message de l’Islam. Bien évidemment, avec adab et bienveillance. Car si d’un côté, nous avons le concordisme aseptisant bisounours, de l’autre, nous avons l’extrême opposé : le sectarisme et la dureté répulsive. 

Donc loin de ces deux excès, c’est dans le juste milieu que doit se faire la transmission du Message tel qu’il est. Si la personne en face l’accepte, al hamdullilah ! Si elle refuse, notre mission est accomplie dans tous les cas. Pour ce qui est des cœurs, ils sont sous la volonté d’Allah azawajal qui peut y faire pénétrer ou non la foi quand Il veut et à travers les causes qu’Il veut.

         

Mais quelle meilleure cause que le comportement ?

Les langues le peuvent mais l’acte jamais ne ment !

“Soyez comme nous” disaient les anciens !

Qui à présent peut de cet appel faire sien ?

Bien sûr, ce qui est attendu à travers le fait de “montrer la beauté de l’Islam à travers notre comportement”, c’est tout simplement appliquer l’Islam dans son quotidien et non de chercher coûte que coûte à plaire aux non-musulmans. Les commerçants musulmans en Asie, que l’on prend souvent en exemple pour insister sur le poids du bon comportement, n’ont pas cherché à imiter les populations locales. Ils ont simplement appliqué le din tel qu’il est dans leur quotidien, ce qui inclut les mou3amalates (relations sociales) telles que le commerce.

Mais il n’en reste pas moins que celui qui pratique l’Islam dans sa vie de tous les jours est en conséquence logique quelqu’un de doux, juste, avenant et bienveillant comme l’était notre modèle à tous qui, de par sa haute moralité, touchait même les cœurs parmi les plus hostiles.

 

Nous misons tout sur les mots !

Voilà bien une source de nos maux !

Nous restons trop dans la théorie !

La foi, c’est de la pratique, elle se vit !

Je veux qu’on m’accompagne avec douceur ! Qu’on m’apprenne sans me faire peur !

Je ne veux pas entrer dans une guerre de clans ! Je ne veux que cheminer sereinement !

J’ai vécu il y a quelques années, un besoin de remettre en question mes idées. Je voulais ressentir ce lien  avec mon Seigneur. Je voulais que mes conversations avec Lui durent des heures. Je voulais me sentir plus qu’une simple pécheresse. C’était ce qu’on m’avait rappelé toute ma jeunesse. De mes parents jusqu’à mes grands frères et mes tontons. Tous me rappelaient que je n’étais bonne qu’à pécher et demander pardon. Qu’Allah pardonne parce qu’Il est miséricordieux. C’était une des seules images qu’on m’enseignait de mon Dieu. Pardonnez-moi mais je suis remplie de sentiments. Je suis une personne sensible qui a besoin d’affection. Si quelqu’un vous dit le contraire, il vous ment. Je ne peux pas les refouler, ils font partie de ma constitution. J’ai besoin de ressentir de l’amour. Vivre avec ce nour ! Il me faut un cœur vivant, connecté en permanence avec Celui qui l’a créé.

J’ai besoin de sentir qu’Il est là. Proche, tout près, veillant sur moi. Qu’Il m’aime parce que je suis une de Ses créatures, à qui Il donne gratuitement vie, eau, pain, air pur, santé, ouïe, vue, toucher, lumière du soleil dans un écosystème viable, poumons, reins, cœur qui bat et tant d’autres cadeaux inestimables. Chaque jour, chaque heure, chaque minute, chaque seconde.

Notre Bien-aimé Prophète n’a-t-il un jour pas comparé l’amour d’Allah sur nous à l’amour d’une mère qui serrait son enfant fort dans ses bras ? Croyez-vous cette femme capable de jeter son bébé dans le feu ? Jamais ! Eh bien l’amour d’Allah envers Ses créatures est 70 fois plus fort que celui qu’éprouve cette maman pour son enfant ! Un amour très fort qui se manifeste chaque jour, chaque heure, chaque minute, chaque seconde.

Quand je m’incline puis me prosterne, c’est avant tout par amour pour plaire à mon Roi si cher. Quand je Le remercie, c’est parce que toute la journée j’ai réfléchi, j’ai ressenti tous les cadeaux qu’Il m’a donné et continue de m’offrir sans rien me demander. Quand je faute, je demande pardon parce que je ne veux pas Le savoir déçu de Sa créature, Lui qui est si bon envers moi chaque jour, chaque heure, chaque minute, chaque seconde.

Ô prédicateurs, pourquoi toujours vos discours se réduisent-ils à parler de récompenses, de châtiments, d’obligatoire et d’interdit ? Si la prière n’était pas un dû, allez vous donc l’abandonner ? Si la récompense des cercles d’évocations ne vous était dévoilée, si vous ne receviez aucune bonne action pour vos adorations, allez vous donc tourner le dos à la religion ?

Mettez plutôt l’accent sur l’amour du Très-Haut. N’opposez pas science et spiritualité, raison et émotion. Nous sommes un tout. Nos cœurs sont sensibles. Le cœur comprend ce qui est rationnellement imperceptible. Apprenez à vos enfants à aimer leur Seigneur. Pas uniquement à espérer des récompenses ni à craindre l’Heure. La foi est comparable à un oiseau : l’espoir est une de ses ailes. La crainte en est la seconde. Mais sa tête est l’amour. L’amour du Créateur.


Ô prédicateurs, retirer au message sa profondeur est une trahison !

Ô prédicateurs, mettez un peu de lumière dans votre prédication !

 

Nous vivons dans la société de l’apparence et comme nous sommes influençables – surtout lorsqu’on délaisse la da’wa – nous devenons de superficiels croyants dont l’iman se réduit au paraître. Ce qui se constate à travers une autre erreur hélas bien trop répandue chez beaucoup de prédicateurs : mettre l’accent sur des questions secondaires, voire des détails, tout en négligeant le plus important. On le voit à travers toutes les questions de jurisprudence pourtant d’ores et déjà tranchées par les oulémas sunnites des 4 écoles, mais pour lesquelles certains novices en viennent à s’affronter derrière clavier interposé. Chaque année, on a droit aux mêmes polémiques qui reviennent : “Noël, le nouvel an, les anniversaires, le Mawlid, Zakat al fitr en argent ou exclusivement en denrées alimentaires...” alors que déjà, si chacun mettait ses passions de côté et suivait son madhab tout en respectant les autres, je vous assure que ce problème serait résolu.

Mais surtout, c’est à croire qu’il n’y a pas d’autres priorités ? Les pharaons modernes élaborent des lois scélérates pour nous empêcher d’élever nos enfants, d’interdire la libre parole des musulmans, s’acharnent sur nos imams intègres (bizarrement, on aime bien taper sur les imams de la République et les YouTubeurs qui se starifient un peu trop mais quand des référents religieux dignes se font perquisitionner, intimider voire expulser, silence radio voire pire, certains appellent à ne pas les soutenir car en désaccord avec eux sur tel ou tel point pourtant sujet à divergence – au passage, j’en profite pour réaffirmer mon soutien public à tous ces prédicateurs pris pour cible par l’inquisition républicaine, à mes frères les imams Ismaïl des Bleuets, Abdourahman Ridouane de Pessac, Elias d’Imzalene, Mickaël Froment d’Islam et Culture et plus largement chaque croyant et chaque croyante victime d’injustice...) même si je ne partage pas toutes leurs positions, ils sont mes frères fi Llah et, à ce titre, je les soutiens et leur souhaite le bien.

Sans compter qu’en parallèle, de véritables égareurs clairement hétérodoxes viennent semer le doute dans l’esprit de nos petits frères et nos petites sœurs débutant dans leur apprentissage par des shoubou3at de modernistes mais pendant ce temps, certains partent en guerre contre leurs coreligionnaires pour des histoires de chapelet ou de zakat en argent. Pitoyable ! Remettons une fois de plus les points sur les I : nous vivons autour de gens qui sont pour la majorité sans religion, athées, non-musulmans voire complètement sécularisés pour une bonne partie des nôtres qui analysent le monde à travers des grilles de lecture modernistes, culturalistes, nationalistes ou en tout cas autre que l’Islam. Mais certains pensent que la priorité, c’est de faire des débats stériles vus et revus du genre “mawlid bid’a ou sounna”, “pantalon au-dessous des chevilles sans orgueil halal ou haram”, “imsak bid’a ou sounna”, “le métissage c’est bien ou c’est pas bien”...

Ce n’est pas quand l’armée ennemie leur tombait dessus que nos pieux prédécesseurs et les grands Hommes de cette communauté qui nous ont précédés se mettaient à s’opposer sur ce genre de sujet ! Quand les fondements du din sont oubliés par beaucoup, on laisse les sujets à divergence de côté, on revient aux écoles sunnites suivies depuis plus d’un millénaire dont l’autorité est reconnue par l’ensemble des savants de cette oumma pour pouvoir envisager une union sur la vérité malgré nos divergences et on fait tous da’wa sur les fondamentaux : nous avons un Créateur, un Livre, un modèle à suivre en la personne du Messager d’Allah ﷺ et un din complet ! C’est quand même incroyable qu’avec tout ce qui se passe en ce moment, on trouve autant de branquignoles pour venir polémiquer sur des ramifications déjà traitées par les oulémas depuis des siècles !

Bon, dans ce cas de figure, il s’agit davantage de “da’wa pour son groupe / son minhaj” que de véritable da’wa pour Allah et Son Messager ﷺ. Mais malheureusement, les fanatiques sectaires ne sont pas les seuls à se laisser aller à d’aussi vils comportements. Chez des frères pourtant bien ancrés dans l’orthodoxie sunnite et transmettant un contenu sur le fond plutôt pertinent, on trouve également ce genre de dérive sous la forme d’une stupide rivalité entre prédicateurs qui vont chercher tout ce qu’ils peuvent pour discréditer tel ou tel autre créateur de contenu, imam ou prêcheur : accusation sans preuve de scandale de mœurs, de collaboration avec le pouvoir injuste (toujours sans ramener d’élément accablant[2]), attaques ad personam, recours à la technique de l’épouvantail[3]... alors qu’ils gagneraient pourtant à travailler ensemble. Mais non, pour des questions de divergence mineure ou de je ne sais quel motif toujours plus dérisoire que ce que l’on pourrait imaginer (l’orgueil aidant), les voilà qui voient leurs frères comme des “concurrents”. À croire que c’est une compétition entre qui fait la meilleure da’wa, qui aborde les meilleurs sujets, qui a le plus de science... franchement, si tel est l’objectif, ce n’est pas dans la prédication qu’il faut se lancer, mais dans l’industrie du show-business.

Sérieusement, quand je vois comment ces frères s’écharpent mutuellement les uns les autres soi-disant au nom du Haqq, bon... j’ai davantage l’impression d’assister à une version tartuffienne d’un clash de rappeurs qu’à de la véritable da’wa. Et pourtant, je suis musulman. Alors je n’ose même pas imaginer ce que doivent penser les non-musulmans témoins de ces bêtises ? Surtout si vous essayez de leur expliquer que tout ce cirque est fait au nom de la défense de la Vérité, alors là, vous aurez définitivement l’air d’un clown.

Une des règles de base, pour quiconque aspire à être un véritable dayi’a fissabilliLlah, est d’effacer au maximum sa petite personne insignifiante pour mettre en valeur le grandiose Message auquel il appelle. Quant à ceux qui utilisent le Message pour appeler à leur personne, leur place n’est définitivement pas dans la transmission du din d’Allah azawajal. Quand le « je suis meilleur que lui, Tu m’as créé de feu alors que Tu l’as créé d’argile » d’Iblis revient sous la forme de « je suis meilleur que lui, moi j’aborde de vrais sujets et j’ai plus de 3ilm que lui » dans la bouche d’un prédicateur musulman (même si ce n’est pas formulé de manière aussi explicite), c’est que celui-ci doit vite se remettre en question avant que l’ange de la mort ne vienne lui retirer son âme.

D’ailleurs, petite parenthèse sur les « vrais sujets » en matière de da’wa : certes, il y a des éléments importants sur lesquels nous devons sensibiliser, aussi bien en matière de science religieuse que de waqi (contexte, notamment politique) mais pour autant, cela doit se faire avec maitrise (du sujet, de la manière dont on enseigne, en nous adaptant au public en face de nous). Et de fait, les publics sont très différents ainsi que les écarts de niveaux, les centres d’intérêts… donc il est normal que les prédicateurs se spécialisent : certains abordent uniquement ou principalement des sujets de base, font de la vulgarisation pour que le din soit compréhensible par les moins instruits, pendant que d’autres montent le niveau et abordent des thématiques géopolitiques ou jurisprudentielles complexes à destination d’un public averti… c’est une très bonne chose et toutes ces prédications sont complémentaires ! Pourquoi certains veulent-ils absolument les opposer ?  

 

À ces travers, il se peut qu’il y ait une explication.

Ô prédicateur, dis-moi quelles sont tes motivations ?  

Est-ce l’amour de la vérité qui t’anime avec tant d’ardeur ? Ou est-ce l’amour de la confrontation qui te pousse à combattre l’erreur ?

Si tu as vécu dans la haine de l’amour au point de développer l’amour de la haine, prends garde que ton prêche ne s’en trouve affecté. Si tu es dévot et savant mais rude au cœur dur et que les gens te fuient, ne penses pas avoir gagné. Perdant ! assurément, tu l’es ! Prépare-toi à rendre des comptes pour ces gens que tu auras repoussés ! Certes, appeler au Vrai et condamner le Faux font la paire ! Mais rahma et douceur l’appel au Vrai requiert, tandis que l’envie seule de condamner le Faux engendre une attitude guerrière. Rahma et douceur font sortir de l’obscurité, là où dureté et critique éteignent la lumière. Notre modèle détestait le péché, qu’il lui arrivait de dénoncer avec dureté, mais priait pour le pécheur qu’il exhortait avec douceur. Il détestait le polythéisme, par amour pour le monothéisme, mais ne voulait pas le feu pour les polythéistes, qu’il espérait voir rendre l’âme en bons monothéistes.

Ainsi nous a-t-il montré la voie, cependant que le lapidé vindicatif perdu par la jalousie et l’orgueil nous chuchote de suivre la sienne.

Ô êtres de foi, il n’y a pas à discuter, le chemin de l’Envoyé est le seul qu’il nous convient d’emprunter. Or il ne sied à nos poitrines de cacher des cœurs emplis de haine. 

Comble de l’erreur, ce rappel sonne chez certaines oreilles comme de la fragilité, alors qu’il ne s’agit ni plus ni moins que de la vérité. Quelle haute moralité avait ce noble Envoyé ! Doux au cœur tendre, c’est la sympathie qu’il suscitait et suscite encore aujourd’hui chez nous qui ne l’avons pourtant jamais rencontré. S’il se montrait ferme et combattait lorsqu’il le fallait, là n’était ni son habitude, ni sa personnalité. Des textes pour justifier ta méchanceté ? Tu en trouveras si c’est là ce que tu cherches. Mais est-ce l’état d’esprit de notre modèle ? Demandes-toi quelques instants ce qui anime tes intentions : servir ta religion ? Ou déchainer ta frustration, en te cachant derrière la défense de ta religion ?

 

Autre élément important dont nous devons avoir conscience lorsque nous nous lançons dans la da’wa : notre Prophète ﷺ nous a enseigné de prêcher aux gens en s’adaptant à eux, en leur parlant en fonction de ce qu’ils comprennent. Un bon prédicateur se doit d’adapter son approche en fonction de l’auditoire qu’il a en face de lui. Ressortir le même discours préfabriqué quel que soit le public en face de nous n’est pas une bonne idée. On ne doit pas adopter la même approche avec quelqu’un qui doute de son Créateur qu’avec un chrétien, par exemple.

Dans la première situation, c’est davantage la logique qui va l’interpeller, l’amener à méditer, à réfléchir.

Quant au chrétien, étant donné qu’il croit déjà en son Créateur, c’est davantage sur le prophète Jésus – aleyhi salam – que doit porter la discussion.

Idem lorsque l’on fait le rappel à nos frères. C’est à nous de nous adapter en fonction de la personne en face de nous, en prenant en compte son niveau de foi, ce qu’il est prêt à entendre ou non... au lieu de tout lui balancer sans explication comme c’est fait sur moult groupes Facebook ou WhatsApp.

Idem lorsque l’on fait le rappel à nos sœurs.

Ô mes très chers frères qui sur les sœurs ont de bien lourdes exigences, puis-je vous adresser quelques conseils ou pour vous est-ce une offense ?

Merci de vous soucier de la guidée de vos sœurs, mais pour que vos recommandations touchent notre cœur, soyez exemplaires et faites également preuve de pudeur, dans la awra certes mais surtout parlez avec douceur.

Ô justice comme te voilà bafouée, calomniée, le pécheur et la pécheresse sont à égalité. Il faut être deux pour forniquer ! Les hommes n’ont aucun totem d’immunité. Pourquoi la sœur serait-elle maudite tandis que le frère pardonné tout oublié ? Après son repentir, la malheureuse demeure diffamée. Monsieur, quant à lui, n’a eu aucun mal à se marier. Aux bons hommes les bonnes femmes doit être réalité, certains frères ont la critique facile envers nos manquements, mais le rappel de leur part est outrecuidant ! Soyez de vrais pères et de vrais frères exemplaires, vous éduquerez alors de nobles filles et mères. Mais surtout charité bien ordonnée commence par soi. Soigne d’abord ton intérieur avant de t’occuper du mien.

Le point commun se situe au niveau du cœur entre une sœur manquant de pudeur, un frère n’accomplissant guère la prière et un athée déclarant au dogme la guerre. Un manque de science ? Non, là leur problème n’est point. Ce qui leur fait à tous trois défaut se nomme manque de foi. Fortes passions animales additionnées à faible connexion verticale, engendre au mieux des négligences, au pire de la mécréance. Aider cette sœur, ce frère et cet athée est tout à votre honneur. Mais l’aborder avec gentillesse jouera en votre faveur.

Jeune passionné entre en rébellion contre l’autorité.

Tout aussi vrai que son cœur a besoin d’amitié.

Soyez cette amitié réconfortante. Doublée d’une âme bienveillante.

Petit à petit votre influence positive déteindra. À la raison votre nouvel(le) ami(e) reviendra.

Petite sœur se réconciliera avec la pudeur. Petit frère avec la prière. L’ami athée avec son Créateur, grâce à vous mon cher frère.

 

Comment écrire un essai sur les erreurs commises dans la da’wa sans consacrer un minimum syndical de quelques lignes à cette atroce vague d’ultracrépidariens se croyant capable de parler de tout et de réfuter tous les spécialistes en chaque matière ? C’est malheureusement un phénomène fréquent, souvent guidé par les passions : des frères et des sœurs qui ressentent le besoin de donner leur avis sur tous les sujets ou presque sans en avoir les compétences. Alors certes, cette maladie n’est pas l’apanage des musulmans mais étant donné que le thème de cet essai est la da’wa, on va continuer de faire le ménage chez nous avant d’aller voir ce qui ne va pas chez les voisins.

Comme on va le voir plus tard dans cet ouvrage, tout le monde a son domaine de compétence et ce n’est pas parce que l’on ne peut pas parler de tout qu’on ne peut parler de rien. Mais l’inverse est aussi vrai. Ce n’est pas parce qu’on peut s’exprimer publiquement sur certains sujets que l’on maîtrise et qu’il y a une utilité à le faire que cela nous donne par la suite la légitimité de nous prononcer sur tout.

On a des frères comme ça, qui ont très bien commencé à parler d’un sujet qu’ils maîtrisaient, apportaient énormément de bien, partageaient des réflexions intéressantes et pouvaient être des causes de guidée pour beaucoup de gens... et puis, lorsqu’ils ont vu leur popularité grandir, se sont sentis obligés d’éclairer leur public sur d’autres thèmes que ceux qu’ils traitaient à la base. En soi, pourquoi pas. Mais un bon professeur se doit d’avoir été un bon élève. Ce qui, pour la plupart d’entre eux, n’a manifestement pas été le cas lorsqu’ils ont voulu aborder des sujets techniques et pointus (dans certaines compréhensions de la religion, notamment). On voit rapidement qui a pris le temps d’étudier ne serait-ce qu’un an dans un institut sunnite qualifié, et qui s’est contenté d’écouter cheikh Google et ustadh YouTube qui lui ont soigneusement lavé le cerveau et corrompu la suite de son cursus. Après, certains de ces frères précisent qu’ils ne sont pas des savants et ne font que donner leur avis. Je loue cette honnêteté de leur part mais le fait est que leur public les écoute et une partie absorbe leur parole comme si elle venait d’un mufti. Donc à ce stade, mieux vaut mesurer à l’avance l’impact de ce que l’on va dire et ajuster ses discours en conséquence, si toujours présente est la bonne intention.

 

La bonne intention ?

Ô prédicateur ! Lorsque tu parles, de ta langue, tes oreilles sont les plus proches. 

Ô écrivain ! Lorsque ta main saisit la plume, tu es le premier lecteur de ton prêche.

Ô prédicateur ! Tu es le premier à recevoir cette lumière que tu nous transmets.

Ô prédicateur ! Fais donc en sorte que tu sois le premier à en bénéficier.

Parmi les trois premières personnes à finir dans le Feu au jour du jugement : un savant qui a appris et enseigné pour recevoir les éloges de ses étudiants. Brûlera aussi prédicateur aux belles motivations se passant toutefois d’application. Certes c’est bien tentant mais que vaut finalement cette prestigieuse réputation ?

Ô prédicateur ! Tu veux briller ? Prend garde que la corruption de ta niya ne te fasse pas brûler ! Tu veux être connu, suivi et admiré ? Ce n’est dans la prédication qu’il faut le rechercher !

Ô prédicateur ! La réussite des autres, c’est tout à ton honneur d’en avoir le souci.

Ô prédicateur ! que ta belle lumière ne consume pas ton être à l’image d’une bougie.


DISPONIBLE LE 8/05/2025
DISPONIBLE LE 8/05/2025
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[1] Encore que là, vu la manière dont certains “hommes” (si on peut encore les appeler ainsi) se montrent incapables de gérer un foyer et faire preuve d’équité envers une seule épouse, bon. On rappelle quand même que la polygamie est codifiée et qu’elle a ses conditions. Tous les gogoles qui crient “j’veux 4 femmes, c’est la sounna” tout en passant leurs journées au café à gratter des tickets Euro Millions ne sont pas moins à blâmer, ne leur en déplaise.


[2] Au passage, devant un tribunal islamique, c’est à celui qui porte l’accusation de ramener ses preuves. Aussi longtemps qu’il ne l’a pas fait, l’accusé est présumé innocent. Et dans le cas où il s’avère que l’accusateur ne fait que calomnier l’accusé, c’est lui qui est condamné au fouet.


[3] Ou “de l’homme de paille”. En résumé, je déforme le discours de l’autre, lui faisant dire ce qu’il n’a pas dit, histoire de mieux pouvoir le réfuter aux yeux des gens. Il va sans dire que, niveau malhonnêteté intellectuelle, on est au moins sur la Lune.

 
 
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